La lumière est douce, venue du puits de jour. Elle monte comme un lierre s'accouder à la fenêtre, hésite autour de la table où l'ordinateur a des palpitations de vieux drap. Un grand silence recouvre tout dans le bureau où Jane écrit. Une gravure au mur s'efface lentement. Les crayons et les stylos en vrac dans un pot minuscule disparaissent un à un. Seuls les doigts de Jane sur le clavier gardent encore quelque présence au bord du vide. Elle écrit qu'elle veut flâner avec un homme. Elle ne précise pas où. Elle ne dit pas comment. Flâner. Seulement cela. Pour dissoudre peut-être, mais à l'inexorable façon d'un morceau de sucre, une lassitude ancienne déjà. Qui prenait trop souvent la teinte grise des vagues mélancolies. Jane relit sa phrase : " Je veux flâner avec un homme. " Elle sourit et soupire. Le début d'un roman pourrait naître à bas bruit. Il n'y aurait en lui aucun tumulte car il se tiendrait toujours à la lisière de l'absence. Jane sourit encore, tortille la mêche qui court sur son épaule blanche. La rumeur de la ville revient peu à peu dans le bureau. Un enfant de dix ans joue sur la gravure. Un stylo tombé du pot roule sous un fauteuil. Flâner écrit-elle. Aller sans savoir ce qui tient la marche dans le corps et dans l'esprit. La nuit, bientôt, s'allongera sur l'écran.